Transparence des salaires : ce qui va vraiment changer en entreprise en 2026
Le sujet agite le monde du travail : la transparence des rémunérations va bientôt devenir la règle en France. Ce n’est pas une rumeur, mais une réalité qui se dessine, même si elle est souvent mal comprise. Oubliez l’idée d’une loi française exigeant d’afficher les fiches de paie nominatives de vos collègues, ce n’est pas du tout l’objectif. Ce changement majeur, c’est l’Europe qui le pilote avec sa directive de mai 2023, que la France doit intégrer dans son droit national, au plus tard, d’ici à juin 2026.
L’enjeu principal de cette directive, c’est de donner aux salariés, et surtout aux femmes, les moyens de savoir si elles sont payées de manière juste, par rapport à leurs collègues effectuant un travail de même valeur. On passe d’un modèle dans lequel le secret était la norme à un modèle auquel la clarté et la justification seront attendues. Concrètement, qu’est-ce que cela va changer pour vous, lors d’un entretien d’embauche ou une fois en poste ? Voici ce qu’il faut savoir pour ne pas se faire surprendre.
Pourquoi l’Europe met-elle le nez dans nos salaires ?
Le point de départ de cette réforme n’est pas le plaisir de créer de nouvelles contraintes pour les entreprises, mais un constat persistant : malgré le principe d’« à travail égal, salaire égal » inscrit dans la loi depuis des décennies, des écarts de rémunération injustifiés, souvent au détriment des femmes, subsistent dans toute l’Union européenne. Historiquement, le secret salarial a toujours été le meilleur allié de ces discriminations, car il rendait presque impossible pour une personne de prouver qu’elle était moins bien payée qu’un collègue masculin pour le même boulot.
L’idée de l’Europe, avec cette directive 2023/970, c’est donc d’apporter un grand coup de projecteur sur les politiques de rémunération des entreprises. C’est un changement de philosophie : on ne demande plus seulement aux salariés d’apporter la preuve de l’inégalité, on force les employeurs à prouver l’équité de leur grille de salaires. Cela va au-delà de l’actuel Index de l’égalité professionnelle français, dont l’efficacité s’est avérée un peu limitée pour corriger les derniers écarts.
Qu’est-ce qui va être rendu transparent, et pour qui ?
Alors, non, votre entreprise ne va pas publier la liste de tous les salaires de l’organigramme, rassurez-vous ! La confidentialité individuelle reste la règle. Ce qui va devenir transparent, ce sont les données agrégées : les moyennes ou les médianes de salaires pour des catégories de postes spécifiques, ventilées par sexe. Pour un employé, cela signifie qu’il aura le droit de demander à sa hiérarchie ou aux ressources humaines (RH) : « Quel est le niveau de rémunération moyen, chez nous, pour les personnes qui font un travail équivalent au mien ? » Cela vous donnera une fourchette de référence pour vous positionner.
L’employeur devra aussi communiquer les critères objectifs qui servent à déterminer votre paie et votre évolution, comme l’ancienneté, le niveau de diplôme, les compétences ou la performance. Pour les grosses boîtes, celles qui dépassent les 250 salariés, il y aura même une obligation de publier des rapports sur les écarts de rémunération entre les genres, et cela, tous les ans. Et attention, si un écart injustifié de plus de 5 % est constaté, l’entreprise aura l’obligation de mettre en place un plan de correction avec les représentants du personnel pour y remédier.
La transparence salariale dès le processus de recrutement, une nouveauté ?
Oui, c’est une des mesures les plus concrètes de cette directive qui va directement impacter tous ceux qui cherchent un nouveau job. Fini le flou artistique dans les offres d’emploi avec des mentions qui ne veulent rien dire, du style « salaire selon profil » ou « rémunération attractive » ! Demain, les entreprises devront indiquer le niveau de rémunération ou, a minima, une fourchette salariale crédible, et ce, dès l’annonce ou avant le premier entretien. Le but est de permettre aux candidats de savoir, avant de perdre leur temps, si le poste correspond à leurs attentes financières.
Mais ce n’est pas tout. Une autre règle essentielle va être de proscrire la question du salaire précédent du candidat. Pourquoi ? Parce que si vous avez été victime d’une inégalité salariale dans votre ancien emploi, le fait de divulguer ce montant pourrait perpétuer cette injustice dans votre nouveau poste. Désormais, l’entreprise devra vous proposer un salaire basé uniquement sur la valeur du poste qu’elle cherche à pourvoir, et non sur votre historique personnel potentiellement discriminatoire.
L’application du principe de l’égalité des rémunérations devrait être améliorée en mettant fin à la discrimination directe et indirecte en matière de rémunération. Rien n’empêche pour autant les employeurs de rémunérer différemment des travailleurs accomplissant un même travail ou un travail de même valeur sur la base de critères objectifs, non sexistes et dépourvus de tout parti pris, tels que la performance et la compétence.
Eur-lex.europa.eu
Quelles entreprises sont vraiment concernées par ces obligations ?
Si vous travaillez dans une très petite structure, il est probable que cette directive change peu de choses dans votre quotidien pour l’instant. Les obligations les plus lourdes concernent surtout les entreprises qui emploient plus de 100 salariés. Comme mentionné, les exigences de reporting (la publication des écarts de paie) seront annuelles pour les plus de 250 employés, et triennales pour celles entre 100 et 250. Cependant, le droit à l’information pour les salariés et l’obligation d’afficher une fourchette de salaire dans les offres d’emploi devraient s’appliquer, a priori, aux entreprises à partir d’un seuil plus bas, sans doute 50 salariés ou moins, selon la manière dont la France va choisir de transposer le texte européen. Les petites entreprises n’auront aucune obligation de reporting, mais elles devront quand même respecter les règles de transparence au moment de l’embauche. Au fond, toutes les entreprises auront intérêt à mettre de l’ordre dans leurs grilles de rémunération.
Comment utiliser cette nouvelle transparence pour négocier mon salaire ?
C’est là que le changement est le plus intéressant pour vous, en tant qu’employé. Avoir accès aux moyennes de rémunération pour un poste équivalent vous donne un véritable levier de négociation lors de votre entretien annuel ou d’une demande de promotion. Si vous constatez que votre salaire se situe dans le bas de la fourchette de vos collègues de même niveau et que vous remplissez tous les critères (ancienneté, performance, etc.) qui justifient d’être mieux payé, vous aurez un argument factuel et légal pour réclamer une augmentation. Surtout, si vous êtes une femme et que vous découvrez un écart de rémunération qui ne s’explique pas par des critères objectifs, la directive introduit le renversement de la charge de la preuve en cas de litige.
Cela veut dire que ce ne sera plus à vous de prouver la discrimination, mais à l’employeur de justifier la différence de salaire devant un tribunal. C’est un véritable changement de rapport de force qui vise à redonner le pouvoir aux salariés pour défendre leur droit à une rémunération équitable. La France s’active pour préparer le projet de loi de transposition, et d’ici à mi-2026, la manière de parler d’argent en entreprise aura sans doute radicalement changé.
Ce qu’il faut retenir pour votre pouvoir de négociation
En définitive, cette transparence des rémunérations n’est pas qu’une simple contrainte administrative pour les entreprises, c’est avant tout une opportunité historique pour les salariés. D’ici à 2026, l’opacité qui régnait sur les salaires va s’estomper, vous offrant une vue d’ensemble précieuse. L’ère où la négociation reposait uniquement sur la chance ou l’audace est révolue : vous disposerez désormais de chiffres concrets et de la force de la loi pour justifier vos demandes. Si vous vous situez sous la moyenne pour un travail équivalent, la balle sera dans votre camp.
Préparez-vous donc à cette échéance : mettez de l’ordre dans votre CV, documentez vos performances, et surtout, sachez exactement ce que vaut votre poste sur le marché et au sein de votre propre entreprise. Le changement n’est pas pour tout de suite, mais il est déjà temps de s’y préparer pour garantir que votre salaire reflète enfin votre juste valeur.
Auteur :
Thierry Chabot
Article publié le
14 novembre 2025
et mis à jour le
14 novembre 2025
Passionné par l'univers de la finance, j'accompagne les particuliers dans leurs choix et décisions pour optimiser leur budget et ainsi faire des économies.