Pourquoi cette augmentation va-t-elle avoir lieu ?
C’est avant tout une histoire de rattrapage historique. Imaginez des fichiers de l’administration fiscale datant de l’époque où le minitel était tendance, parfois même des années 1970 et 1980. À ce moment-là, avoir l’eau courante, l’électricité, des toilettes à l’intérieur ou un chauffage central était considéré comme un luxe. Évidemment, ces équipements étaient pris en compte dans le calcul de la valeur locative du bien, la base sur laquelle on fixe la Taxe Foncière. Le problème, c’est que ces fichiers sont restés figés, ignorant toutes les améliorations et modernisations faites depuis.
Si en cours d’année, vous apportez des modifications à votre habitation (des travaux augmentant la valeur du bien, par exemple), l’augmentation de sa valeur locative ne sera prise en compte qu’au 1er janvier de l’année suivante pour calculer la taxe foncière.
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Bercy s’est donc penché sur ces vieux dossiers pour rétablir une forme d’équité fiscale. L’idée n’est pas de pénaliser, mais de refléter la réalité du confort actuel : ces éléments, désormais considérés comme standards, augmentent la valeur réelle du logement sur le marché locatif. En mettant à jour ces données, Bercy augmente de fait la valeur locative cadastrale de ces biens, et donc la base imposable de ceux-ci. L’objectif avoué est double : d’abord, moderniser une base technique pour une gestion plus fine, et ensuite, générer des recettes supplémentaires pour les collectivités locales. On parle tout de même de quelque 466 millions d’euros qui devraient ainsi être récoltés pour financer les services publics locaux, sans que les taux d’imposition communaux n’aient besoin de bouger.
Quels propriétaires sont concernés par cette réévaluation ?
Il faut rassurer tout de suite : non, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne ! Cette mesure ne s’applique qu’aux propriétaires des 7,4 millions de logements jugés « sous-évalués » par le fisc, sur un parc d’environ 32 millions de biens imposables au total. C’est donc environ 23 % des propriétaires qui verront leur avis d’imposition 2026 gonfler.
Ces logements concernés sont principalement des biens anciens ou ceux dont les propriétaires n’ont pas fait les déclarations d’amélioration nécessaires au fil des ans. En clair, si vous avez refait votre salle de bain il y a quinze ans sans le signaler, l’administration peut considérer que vous avez désormais des équipements qui augmentent la valeur locative de votre bien. La répartition est d’ailleurs assez révélatrice : environ un quart des maisons et 15 % des appartements sont dans le viseur.
Les disparités régionales sont aussi très nettes. Certaines zones sont beaucoup plus touchées que d’autres. La Corse est de loin la plus impactée, avec plus de 60 % des habitations en Haute-Corse et 45 % en Corse-du-Sud qui pourraient être concernées. Les grandes villes ne sont pas épargnées : 25 % des biens à Paris sont visés par cette mise à jour. À l’inverse, l’impact est beaucoup plus faible dans des départements comme l’Isère ou dans les zones rurales où les constructions sont plus récentes ou déjà mieux déclarées (on parle d’à peine 10 % dans ces cas-là). En somme, plus votre logement est ancien ou plus les déclarations cadastrales n’ont pas suivi les améliorations, plus le risque est grand.
Quel sera l’impact financier de la mesure sur la facture ?
C’est la question qui fâche évidemment. L’impact financier sera palpable, mais reste, selon Bercy, raisonnable en moyenne. Pour un logement concerné par la réévaluation, la hausse moyenne de la Taxe Foncière est estimée à environ 63 euros.
Attention toutefois, ce n’est qu’une moyenne. Dans les régions les plus touchées, ou pour des biens où l’écart entre la réalité du confort moderne et l’ancienne déclaration cadastrale est important, l’augmentation pourrait être bien plus significative. Il est tout à fait possible que certains propriétaires, notamment à Paris ou en Corse, voient leur impôt s’alourdir de plus de 100 euros. Il faut le noter : le ministère de l’Économie précise que la base communale globale, à l’échelle nationale, n’augmentera en moyenne que de 0,88 %, sans qu’il y ait de hausse des taux d’imposition décidée par les collectivités. Cette hausse est donc mécanique et automatique, et non le résultat d’un vote en conseil municipal.
Quelles sont les controverses soulevées par cette décision ?
Cette simple mise à jour technique est déjà en train de créer une onde de choc politique. Le débat s’est vite enflammé, car c’est perçu comme une pression fiscale supplémentaire qui cible une catégorie bien précise : les propriétaires de biens anciens, qui ne sont pas forcément les plus fortunés.
Le Rassemblement national a été le premier à monter au créneau, dénonçant un véritable « coup dans le dos » aux classes moyennes et aux retraités propriétaires, accusant le gouvernement de taxer davantage sans oser toucher « les riches ». De son côté, La France Insoumise y voit une nouvelle pression injuste sur les ménages modestes. Même au sein de l’exécutif, la décision fait grincer des dents. Gabriel Attal a d’ailleurs critiqué l’effet d’incertitude généré et a promis un « point d’étape » sur le dossier d’ici à quelques mois. Les syndicats comme la CGT Finances publiques ont également émis des réserves, craignant que l’administration ne spécule sur des éléments de confort qui ne seraient pas prouvés, pénalisant in fine les petits revenus.
Pas besoin de recherches préalables ni de demande d’information : on modifie en masse et les propriétaires mécontents viendront ensuite se plaindre si on les a taxés à tort ! Tant pis s’ils ne réclament pas ! Une hérésie et une injustice fiscale !
CGT Finances publiques
Il est d’ailleurs crucial de retenir que les propriétaires ne sont pas sans défense face à cette réévaluation. Si vous recevez votre avis d’imposition 2026 (attendu à l’automne) et que l’évaluation vous semble erronée, vous avez la possibilité de contester l’évaluation auprès du service des impôts. Cela peut notamment être le cas si les équipements pris en compte par le fisc ne correspondent pas à la réalité de votre logement. Il faudra alors prouver que votre bien ne dispose pas de ces éléments de confort modernes pour obtenir un dégrèvement.
Tout le monde doit-il s’attendre à une mauvaise surprise ?
Absolument pas. Comme dit plus haut, près de 77 % des logements ne sont pas concernés par cette réévaluation. Si votre bien immobilier est récent (construit dans les dernières décennies) ou si ses équipements de confort ont déjà été correctement déclarés au cadastre, vous n’avez pas de raison de vous inquiéter de ce mécanisme.
Pour en avoir le cœur net, il faudra faire preuve d’un peu de patience. La confirmation arrivera avec l’envoi de votre avis d’imposition 2026, qui est généralement distribué au cours de l’automne. Ce sera le moment de vérifier l’évolution de la base d’imposition et de vous rapprocher de l’administration fiscale si vous avez le moindre doute ou si l’augmentation vous semble injustifiée. Il s’agit d’une procédure administrative, et en cas de désaccord sur la réalité du bien, la contestation est un droit.
Auteur :
Thierry Chabot
Article publié le
20 novembre 2025
et mis à jour le
20 novembre 2025
Passionné par l'univers de la finance, j'accompagne les particuliers dans leurs choix et décisions pour optimiser leur budget et ainsi faire des économies.