Mais où sont passés les 5 milliards d’euros de TVA manquants au Budget 2025 ?

C’est un chiffre qui fait grincer des dents et qui alimente toutes les polémiques au sommet de l’État : 5 milliards d’euros. C’est la somme que l’État ne récupérera pas en 2025 sur sa première source de revenus, la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Non, personne ne les a détournés. Mais cet écart colossal entre les prévisions du gouvernement et la réalité des caisses publiques a mis le feu aux poudres. Pourquoi ce « trou » apparait-il maintenant ? Et surtout, qui est responsable ? Décryptage d’une affaire complexe qui montre que même notre impôt le plus simple peut nous réserver de mauvaises surprises.

5 milliards d’euros dans un coffre-fort (Crédit : Alex.I)
5 milliards d’euros dans un coffre-fort (Crédit : Alex.I)

Ce qu'il faut retenir :

  • Manque de 5 milliards €, la confirmation du dérapage : L'écart de 5 milliards d'euros sur la TVA (la première recette de l'État) confirme une surestimation budgétaire chronique. Ce « trou » fragilise l'équilibre des comptes publics et rend plus difficile l'atteinte des objectifs de déficit.
  • Fraude à l'importation, cause majeure : La principale explication avancée est la fraude massive à la TVA sur les petits colis importés (e-commerce international low-cost, notamment d'Asie). Ce phénomène ferait perdre plusieurs milliards d'euros de recettes fiscales chaque année.
  • Impact sur vos finances futures : Ce manque à gagner financier augmente la pression sur le gouvernement pour trouver des économies ailleurs ou pour augmenter les recettes in fine. En tant que citoyen, cela signifie une vigilance accrue sur les futures coupes budgétaires ou les éventuelles hausses d'impôts indirects.
  • Vigilance sur les prévisions économiques : La révision à la baisse des recettes TVA montre que les prévisions de croissance et d'inflation de Bercy étaient trop optimistes. Il est donc crucial de rester prudent quant à l'amélioration rapide de la situation économique annoncée.

La TVA : le pilier de nos finances qui flanche

La taxe sur la valeur ajoutée, on la paie tous les jours, sans même y penser, à chaque achat. C’est la vache à lait de l’État, le premier impôt du pays ! Elle représente, tenez-vous bien, environ la moitié de toutes les recettes fiscales nettes, soit plus de 200 milliards d’euros qui rentrent dans les caisses publiques chaque année. Une somme gigantesque que l’on se partage entre l’État, la Sécurité sociale et les collectivités locales.

Pour 2025, le gouvernement était plutôt optimiste. On tablait sur plus de 101 milliards d’euros pour l’État seul, afin de financer les services publics et nos politiques sociales. Sauf que les chiffres ont été revus à la baisse. Brutalement. La nouvelle estimation ne dépasse pas les 96,5 milliards. On parle donc d’un manque à gagner de près de 5 milliards d’euros rien que pour la part qui revient à l’État. Et si l’on prend en compte les parts de la Sécu et des mairies, la facture globale pourrait même grimper jusqu’à 10 milliards d’euros ! Cet argent n’a pas « disparu », il n’est juste pas arrivé. Et ce n’est pas la première fois que cela arrive. En 2023 et 2024, il y a déjà eu de sérieuses surestimations, ce qui, au passage, a valu de vives critiques à l’ex-ministre des Finances, Bruno Le Maire, accusé d’une certaine « insincérité » budgétaire.

Pourquoi les recettes de TVA sont-elles en panne ?

C’est la question qui hante les couloirs du Ministère de l’Économie et des Finances, à Bercy. Face à l’urgence de la situation, la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, a même dû lancer une « mission d’urgence » pour comprendre d’où vient ce manque. À l’heure actuelle, aucune explication unique ne suffit. En réalité, c’est un cocktail de facteurs, mêlant fraude, imports massifs et erreurs d’anticipation.

La fraude est clairement la piste numéro un. On estime que la fraude à la TVA dans son ensemble tourne autour de 20 à 25 milliards d’euros par an, incluant des montages financiers complexes et le simple fait que certaines entreprises oublient de reverser au fisc ce qu’elles ont collecté. Mais le gros point noir qui fait couler beaucoup d’encre concerne un phénomène plus récent et visible par tous : l’explosion du e-commerce et, en particulier, des importations de petits colis.

La lutte contre les fraudes constitue un puissant levier pour rétablir la justice sociale et redresser les finances publiques. La France a ainsi élaboré en juin 2023 une feuille de route articulée autour de 35 mesures pour agir contre les fraudes aux finances publiques. Grâce à ce plan, et dans la continuité de l’action menée depuis plusieurs années, les fraudes détectées ont doublé en cinq ans, atteignant 20 milliards d’euros en 2024.
Économie.gouv.fr

La fraude aux petits colis : la piste chinoise

C’est là que résiderait la plus grosse fuite. Environ 1,5 milliard de petits paquets venus de l’étranger inondent nos boîtes aux lettres chaque année. Pensez aux plateformes comme Shein, Temu ou AliExpress. Une grande partie de ces produits arrive en France, et beaucoup sont sous-déclarés ou passent par des « dépôts relais » dans d’autres pays européens avant d’arriver chez nous, afin de contourner la TVA française, fixée à 20 % pour la plupart des biens.

L’Inspection générale des finances (IGF) a d’ailleurs estimé que ce type de fraude représenterait 4 à 5 milliards d’euros par an sur ces seuls flux. La ministre a même parlé d’une « sous-déclaration massive ». Il faut dire que le volume de ces importations a explosé ces dernières années, notamment à cause de la crise du coût de la vie qui pousse les Français à chercher les prix les plus bas. Même si des économistes restent prudents sur le fait que cette seule fraude explique l’intégralité des 5 milliards manquants, elle est clairement l’hypothèse la plus sérieuse et la plus visible.

Quand les prévisions de Bercy sont trop optimistes

Un autre problème, plus technique celui-là, vient des modèles de prévisions utilisés par Bercy. On le sait, faire un budget est un exercice d’équilibriste. Il faut anticiper la croissance économique, l’inflation, les habitudes de consommation… Et, manifestement, les équipes de la Direction générale du Trésor ont vu la vie en rose. Elles ont surestimé l’impact de l’inflation, qui s’est finalement révélée plus faible que prévu (+1,1 %). Et la consommation, même si elle a résisté, est restée faible, surtout sur les biens taxés au taux plein de 20 % (l’électroménager, les loisirs, les vêtements haut de gamme…).

Moins d’inflation, moins de consommation sur ces produits, cela veut dire que le montant de la TVA collectée est mécaniquement plus bas. Résultat : une partie du « trou » budgétaire n’est pas une perte réelle, mais une simple erreur de projection. C’est frustrant, car cela alimente la méfiance et les critiques sur la gestion des finances publiques. Pour résumer l’impact de tous ces facteurs sur les 5 milliards manquants de l’État : la fraude aux importations représenterait 2 à 5 milliards, la fraude générale 1 à 3 milliards, et l’erreur de prévision 1 à 2 milliards.

Quels risques pour votre portefeuille et l’avenir ?

Vous vous dites peut-être : « C’est des milliards qui manquent à l’État, qu’est-ce que ça change pour moi ? » Eh bien, ça change pas mal de choses ! Cet argent manquant creuse notre déficit budgétaire. L’État a beau faire des économies par ailleurs (notamment sur la dette grâce à la baisse des taux d’intérêt ou en gelant des dépenses d’investissement), la pression est énorme.

Si le trou global atteint 10 milliards, comme le craignent certains responsables politiques, l’objectif de déficit (fixé à -5,4 % du PIB) sera très difficile à tenir. Cela pourrait forcer l’État à faire de nouvelles coupes budgétaires ou à chercher d’autres recettes dans les années à venir. En d’autres termes, l’argent qui ne rentre pas d’un côté pourrait, à terme, être demandé d’une autre manière, que ce soit via des impôts ou des baisses de services publics.

Face à la polémique, l’urgence est désormais d’agir. Les solutions envisagées sont multiples : renforcement des contrôles douaniers, mise en place d’une réforme européenne sur la TVA e-commerce pour rendre la taxation plus efficace, et utilisation de l’intelligence artificielle pour traquer les fraudeurs. La Cour des comptes, elle, pousse aussi à simplifier la complexité des taux de TVA (on a actuellement des taux à 20 %, 10 %, 5,5 %, 2,1 %), car la complexité est souvent le terreau de la fraude.

En bref, ces milliards n’ont pas disparu dans un coffre-fort secret. Ils se sont évaporés dans un mélange de fraude aux portes de l’Europe et de prévisions budgétaires un peu trop optimistes. La mission d’urgence lancée par Bercy devrait nous en dire plus très vite. En attendant, on vous invite à rester vigilant sur l’actualité budgétaire, car ces enjeux macro-économiques finissent toujours par avoir un impact sur vos finances personnelles !

Thierry Chabot

Auteur : Thierry Chabot
Article publié le 18 novembre 2025 et mis à jour le 18 novembre 2025
Passionné par l'univers de la finance, j'accompagne les particuliers dans leurs choix et décisions pour optimiser leur budget et ainsi faire des économies.

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